Les sans-terre du Brésil


Les sans-terre du Brésil

La concentration de la terre

Plus de 4 millions de familles paysannes vivent sans terre aujourd’hui au Brésil. La question de la terre et d’une réforme agraire se pose depuis des années dans ce pays où 2 % des propriétaires terriens possèdent 49 % des terres : le pays se situe au deuxième rang mondial en ce qui concerne la concentration de la terre. Or les deux tiers de ces terres ne sont pas cultivés alors que 65% de la population souffre à des degrés divers de malnutrition. Le processus de concentration des terres a été particulièrement intensif pendant la dictature (1964-1985) alors que la répression désarticulait toute forme de résistance. Le régime militaire instaure le libéralisme, l’austérité financière. Le taux de croissance dépasse les 10 % : c’est ce que l’on appelle le «  miracle brésilien  ». Mais ce «  miracle  » laisse de côté une large majorité de la population. Les politiques gouvernementales favorisent la grande entreprise, renforcent les tendances à la concentration de la structure agraire, légitimée par l’efficacité économique. Le modèle imposé conduit à la disparition de centaines de milliers de petites parcelles consacrées au café, au coton ou à des cultures vivrières. Le mouvement de la marche vers l’ouest et la conquête de l’Amazonie n’ayant pas tenu leurs promesses, le dépeuplement des campagnes devient explosif : l’exode rural a touché 30 millions de personnes en moins de 20 ans

Naissance du MST

Pour lutter contre cet exode rural massif et accélérer une réforme agraire qu’il ne voyait pas venir, le Mouvement des paysans sans-terre (MST) s’est constitué et a mené, à partir de 1979, des occupations massives de terres, visant particulièrement celles inexploitées, notamment dans le Rio Grande do Sul, l’une des régions les plus touchées par les mouvements de concentration. Profitant de l’ouverture politique opérée à la fin de la dictature, le MST est devenu le mouvement social le plus important d’Amérique latine, se substituant même à l’opposition politique. Mais les tentatives successives de projet de réforme agraire échouent sous le poids de l’oligarchie foncière et militaire qui continue à peser lourd dans l’entourage du pouvoir. Si la nouvelle constitution de 1988 est porteuse d’avancées économiques et sociales en libérant les syndicats et reconnaissant le droit de grève, elle enterre la réforme agraire. L’assemblée nationale constituante renonce à la mention de la «  fonction sociale  » dans le cas des propriétés agricoles productives et ramène le nombre des exploitations agricoles expropriables (les non productives) de 2,7 millions à 500 000. Finalement en 1999, 250 000 familles ont retrouvé une terre, 15 millions d’hectares ont été expropriés, plusieurs centaines de coopératives agricoles constituées. Dans ces coopératives et dans les campements installés le long des routes ou aux abords des terres qu’ils sont prêts à occuper, les paysans mettent en place une solide organisation populaire et un système d’éducation et d’alphabétisation de la population. Quelques 2000 instituteurs enseignent dans 1000 écoles primaires gérées par les sans-terre.

Une sévère répression

Une avancée est obtenue en 1996 avec le lancement du programme national des droits de l’homme. Le 7 août 1996, une loi transfère à la justice le jugement des homicides commis par des membres de la police militaire. Car la répression du mouvement social et syndical s’est accentuée : les seuls conflits de la terre ont fait plus de 1800 morts entre 1980 et 1999, victimes de la police militaire brésilienne ou des milices employées par les grands propriétaires terriens. Selon la commission pastorale de la terre, la violence à l’encontre des paysans est aujourd’hui exercée à travers des procédures d’expulsions judiciaires, des emprisonnements et des destructions de plantations. Le président Fernando Henrique Cardoso avait pourtant fait de la réforme agraire une des priorités de son nouveau mandat en 1998. Mais son plan national de réforme agraire (PNRA) mécontente les paysans : il n’est plus question d’expropriation mais de ventes des terres accompagnées de prêts à faible intérêt. La mise en oeuvre de la réforme est décentralisée au profit des gouvernements locaux et des communes.

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