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mardi 22 janvier 2019

Témoignage du Martyr Hassan Id Abdellah fondateur du mouvement des paysans pauvres du barrage Aoulouz



 Je suis prêt à militer jusqu'à la mort
pour les biens publics 
 Tasdermte, le village natal de Hassan Id Abdellah (mort le 16 décembre 2008) martyr du mouvement des paysans pauvres d’Aoulouz, «fait désormais partie du passé, mais son souvenir ne peut pas me quitter» dit Hassan qui raconte l’histoire des paysans évacués par la construction du Barrage Aoulouz sur leurs terres. 

Hassan Id Abdallah est un paysan pauvre militant. Il habitait au douar Tasdermte (mot amazigh signifiant Porte), situé à l’entrée de la vallée d'Ouzioua. Il est parmi les fondateurs de l'association Ifghelen (signifiant espace réservé aux troupeaux du village) constituée en avril 1997. Ifghelen est aussi le nom de l’endroit où le barrage Aoulouz est construit. Hassan est aussi membre fondateur du syndicat des paysans pauvres d'Aoulouz. Il vit aujourd'hui  dans le nouveau village, Tisrass, créé après la destruction de Tasdermte, où il s’est installé avec sa famille, après l'évacuation par le barrage. Dans son ancien village, la famille Id Abdallah avait une belle maison située au pied d'une montagne dominant la vallée d'Ouzioua. Aujourd'hui, seuls demeurent les souvenirs de cette ancienne et belle Tasdermte.
 «Je me rappelle tous les détails, comme si c’était aujourd'hui. Notre belle maison au pied de la montagne, à la porte de la vallée d'Ouzioua Tasdermte (qui signifié aussi, la place et le rôle social  d'un homme dans  la société)  au bord  de la rivière d'Ouzioua, qui coule sans arrêt pendant les quatre saisons. Notre nouvelle maison, dont les travaux se sont terminés en 1986, a une superficie de 360 mètres carrés, elle est construite en pierres et béton, elle est constituée de deux étages et comprend 12 pièces avec cuisine traditionnelle, toilettes et cour plus un espace  pour nos animaux. Le remboursement de tous ces biens plus 70 arbres fruitiers divers est de 7777 Euro. »
« Au moment de l'évacuation obligatoire, J'avais refusé de quitter notre maison sans ouvrir un dossier juridique pour justifier de la valeur exacte d'un remboursement légal. C’était la seule maison qui restait debout à Tasdermte face au bulldozer qui avait tous détruit dans notre village. Les champs et récoltes avaient été rasés par ce bulldozer, pour détruire les traces du vol commis au moment du recensement des biens des paysans pauvres. J'avais envoyé des lettres de protestation aux responsables locaux et nationaux en demandant une expertise de nos biens. Un expert de la province était enfin arrivé, pour faire son travail. Cela se passait  dans les années de plombe, c'était en 1988. »
« Mais rien n'a été réglé.  Tout le fruit de mes activités agricoles à Tasdermte et de celles de mon frère, ouvrier émigré en France depuis les années soixante, a été perdu, massacré pour bâtir le capitalisme. »
«La deuxième chose qui reste choquante dan s ma mémoire est le rasage des terres près de la rivière par les inondations de 1987, avant le recensement de nos champs. La rivière avait rasé une quantité importante des champs des paysans pauvres, sans aucun secours de la part du régime marocain. Ce qui est important à signaler ici, c’est que la carte topographique qui va être utilisée pour le recensement des champs avait été déjà faite avant les inondations. La question que posaient les paysans pauvres était: au compte de qui ces terres perdues par les inondations sont-elles  recensées ?Il faut savoir à ce niveau qu'il y avait une liste de personnes qui avaient de relations directes ou indirectes avec le régime marocain et qui ont été bénéficières, alors que, légalement, elles ne possédaient aucun bien dans la région. Il faut aussi savoir que des paysans pauvres sont spoliés de leurs biens sans obtenir aucun remboursement et que certains attendent toujours l'exécution des décisions du tribunal administratif d'Agadir. Je suis parmi ceux qui attendent l'ouverture de dossiers de violations graves des droits économiques.
Cette question est apparue après l'évacuation pour cause de barrage, qui a été suivie par un faible remboursement, trois fois rien. Nous avions un bour très important à un kilomètre du barrage, c’était le seul espace qui restait pour s'installer au début des années 1990. On a recommencé à zéro, il fallait bâtir une maison qui n'est plus comme celle qu'on avait perdu au barrage, il fallait creuser un puits pour avoir l'eau pour la construction de la maison, l'eau potable et l'irrigation du potager à côté de la maison. Nous avons du alors affronter les agent des Eaux et Forêts qui venaient planter des eucalyptus, pour bien obliger les paysans pauvres à quitter le lieu. C’était un vrai combat contre les responsables des Eaux et Forêts, qui voulaient limiter notre territoire et massacrer notre forêt d'arganiers. À chaque fois qu'ils plantaient des eucalyptus, je venais les couper et détruire les bornages qu'ils avaient tracés. Tout cela était un combat solitaire, nous étions dépourvus d'organisation, dans un monde de paysans pauvres déracinés de leur terre natale, dans la torture des années noires. Enfin, on a posé la première pierre d'un nouvelle commune qui a été baptisée appelée Tisrass (mot amazigh signifie les positions). Alors s’est ouverte une nouvelle page de lutte, cette fois-ci contre le président de la nouvelle commune, fils d’un comprador et agent des autorités coloniales. »
« Après nous être installés dans notre nouvelle Tasdermte et avoir déposé notre dossier au bureau de l'AMDH à Taroudant, deux choses restaient à régler. La première était de s'organiser dans une association paysanne. Une assemblée d'un nombre limité de paysans pauvres, qui avaient une expérience de lutte pour leurs droits, a été organisée dans la maison de Lhaj Mohamed en avril 1997 sous l’encadrement du camarade Amal Lahoucine. Nous avions lutté au niveau local et national, envoyé des lettres de protestation au gouverneur de Taroudant et aux ministres de l'Intérieur et de l'Équipement, des lettres de demande de soutien aux partis politiques et députés de la province et enfin nous avions déposé un recours judiciaire au tribunal administratif à Agadir.
Une association paysanne était donc constituée le 27 avril 1997, les autorités à Aoulouz ont refusé de la reconnaître et nous donner le reçu de dépôt du dossier. À l'époque, créer une association de paysans pauvres dans la zone du barrage d’Aoulouz n'était pas possible. La politique des barrages était une chose sacrée sous Hassan II, ce qui explique l'impossibilité de l'intervention des partis politiques parlementaires dans ce dossier. Nous avons donc engagé une autre lutte pour le droit de nous organiser après avoir déposé le dossier de l'association auprès du procureur de Taroudant. Le reçu de dépôt du tribunal permis de gérer les affaires administratives internes sans avoir la possibilité d'organiser des activités publiques. Cette situation a duré trois ans; en mars 2000 nous avons enfin eu le reçu de dépôt du dossier de l'association des autorités d’Aoulouz. »
« Notre première activité publique a eu lieu le 08 avril 2000 : nous avons organisé une rencontre du militant marxiste marocain Abraham Serfaty avec la société civile d'Aoulouz sur le thème «militantisme et développement des paysans pauvres au Souss».
Au cours de cette rencontre, quatre points de repère pour le militantisme dans le Souss ont été donnés par le camarade Abraham. Le premier était la lutte pour le droit à la terre, contre la violation des terres collectives des paysans pauvres par les grands propriétaires fonciers. Le deuxième était la lutte pour le droit à l'eau, contre le massacre de la nappe phréatique au Souss par le sur-pompage dans les domaines des grands propriétaires fonciers. Le troisième était la protection de l'arganier, mis en danger par l'implantation des agrumes dans le Souss. Le quatrième était le développement de la culture et de la langue amazigh, marginalisées par le régime marocain. Pour cela, le militant Abraham proposait de travailler sur deux fronts pour bien s'organiser, le premier était l'association Ifghelen et le deuxième devait être un syndicat des paysans.
Après cette rencontre, l'association a continué la lutte pour le droit des paysans pauvres d'Ouzioua à leurs biens. Le premier travail concernait les dossiers déposés au tribunal administratif d’Agadir, pour l'exécution de ses décisions qui a traîné trois ans; en 2004, les indemnisations ont commencé à être versées. Malgré le montant très faible de ces indemnités, beaucoup de dossiers sont encore en souffrance. Parmi ces dossiers, celui de notre maison, sur lequel le tribunal n’a toujours pas pris de décision à ce jour. Je ne comprends pas pourquoi le pouvoir marocain parle de démocratie et droits de l'homme, alors qu’il n’a pas le courage de régler les problèmes des paysans pauvres d'Ouzioua?»
«Il fallait accélérer la lutte, à chaque période qui passait les problèmes se multipliaient et la création d'un syndicat paysan devenait nécessaire. Nous avons déclenché une nouvelle lutte pour le reste des terres des paysans des sept douars évacués à cause du barrage. En 2001, le président de la commune de Tisrass avait essayé d'occuper 121 hectares de terres de paysans pauvres, en falsifiant des documents avec l'aide des autorités et des Eaux et Forêts de Taroudant. Nous avons détecté le problème et quand les responsables du Cadastre de Taroudant ont essayé de borner ces terres, ils ont été arrêtés par les paysans pauvres. Il y a eu une alerte générale : un assemblé a été organisée à la salle communale d'Aoulouz avec l'appui des militants de la Voie démocratique de Taroudant. À la fin de la réunion, le bureau syndical des paysans était constitué, son premier dossier était l'organisation de la lutte contre le président de la commune de Tisrass. Une plainte était déposée chez le procureur et le chef du Cadastre à Taroudant pour arrêter le bornage de ces terres.
C'est très simple : le régime marocain était convaincu que, devant notre lutte pour le reste de nos terres, il n'avait que ce moyen pour mobiliser ses alliés afin de réaliser le reste de son programme d'évacuation. L’idée générale derrière cette affaire était d'ouvrir la voie à une occupation de ces terres par les grands propriétaires qui avaient des visées sur les vastes forêts d'Ouzioua. Un ex-responsable à la Province de Taroudant, responsable de toutes les violations graves des droits des paysans au barrage d’Aoulouz, a ainsi occupé 20 hectares près du barrage de la même façon : en falsifiant des documents sur lesquels il a mis le nom de son fils… »
«  Aujourd'hui, il lance un avis de vente pour trouver un acheteur pour cette terre, qui se trouve à côté de la ferme du président (=maire) de la commune de Tisrass.
Le 26 janvier 2003 le syndicat et l'association Ifghelen avaient organisé un sit-in devant le siège de la commune de Tisrass. Les paysans pauvres étaient bien organisés. Aux élections de 2003, les paysans pauvres ils mis en échec Monsieur le Président en choisissant une équipe constituée de certains membres actifs de l'association et du syndicat. M. le président a été mis hors-jeu. Mais il n’a pas arrêté ses manœuvres pour autant  cette année : il vient de sortir un autre document falsifié pour essayer d'occuper le village tout entier. Cet homme a passé ses deux mandats à la tête de la commune à falsifier des documents. Son rôle dans le conseil communal est de compléter la mission du régime marocain, qui vise l'exploitation exclusive sans limites des ressources naturelles du Souss. Pour cela, après la construction du barrage d’Aoulouz et l'évacuation des paysans pauvres de sept douars, le régime avait divisé la commune d’Ouzioua et créé celle de Tisrass, pour diviser encore plus la communauté d'Ouzioua, pour ouvrir encore une nouvelle page de souffrance des paysans pauvres autour du barrage Mokhtar Soussi. »

Novembre 2006, Lahoucine Amal
Correction : Fausto Giudice

Pour ne pas oublier l’affaire du martyr Brahim Saika



Le conseil de coordination régional de Souss Massa et Guelmim Oued Non du syndicat national des petits paysans et professionnels forestiers, dans sa réunion le 19 avril 2016, a étudié l’affaire du martyr Brahim Saika : ses causes, ses répercussions et ses résultats sur le mouvement de masse en général et le mouvement syndical paysan en particulier.

Le syndicat paysan confirme ce qui suit :


1 – On considère le martyre Brahim Saika comme martyre de mouvement de masse y compris, et le mouvement syndical paysan. Brahim Saika a largement contribué à organiser les luttes de masse de protestation, en tant que :

-Leader du mouvement des étudiants sahraouis pendant la période de ses études universitaires. Il a été détenu, poursuivi et condamné à trois ans de prison ferme.
-Leader du mouvement de la coordination sur le terrain des diplômés enchômagés sahraouis. Il a été attaqué et harcelé pour limiter son mouvement, et enfin, détenu et assassiné.
-Sa présence au sein du mouvement de masse de protestation à Guelmim sur les revendications socio-économiques, pousse les adversaires des mouvements de masse à le harceler dans le but de l'isoler.
-Son attachement à la défense des revendications des classes populaires opprimées le pousse à s’engager dans les travaux du comité préparatoire pour la restructuration du bureau régional du syndicat national des petits paysans et professionnels forestiers, quelques jours avant son arrestation.

2 – L’affaire du martyr Brahim Saika, est une affaire d’assassinat organisée contre un militant chef de mouvement de masse de protestation à fin d’écraser le mouvement de masse militant, y compris le mouvement syndical paysan, ce qui demande :

-La considération de l’affaire de l’assassinat du martyr comme affaire de toutes les organisations syndicales et de droits humains, militant vraiment pour la liberté et la démocratie au niveau national et international.
-La considération de notre syndicat comme partie civile à la justice, concernant les deux plaintes de sa famille posées chez le procureur de la cour d’appel à Agadir, contre la police de Guelmim. La première sur la torture contre le martyr devant sa famille et dans le commissariat. La deuxième sur l’offensive de leur maison par les policiers et harceler la mère et ses enfants.
-Nous considérons l'État comme le seul responsable pour révéler les causes réelles de la mort du  martyre, plutôt que d'adopter les sophismes du procureur d'Agadir dans sa déclaration lointaine de la réalité de sa mort.
-Appel à toutes organisations de droits humains militant vraiment au niveau national et international pour obliger l'État à procéder à une expertise médicale légale et une autopsie légale pour révéler la vérité.

إلى العمال والفلاحين