Union Marocain du Travail
Syndicat National des Petits Paysans
et Professionnels Forestiers
Bureau National
Plainte à messieurs:
Le Secrétaire Général des Nations
Unies
Le Secrétaire Général du Comité des
Droits de l'Homme des Nations Unies
Le Secrétaire Général de
l'Organisation Internationale du Travail
Le Secrétaire Général de l'Union
Marocaine du Travail
Le président d’Instance des barreaux
du Maroc
Le Procureur Général du Roi, Chef du Paquet Général à Rabat
Contre
Le Chef du Gouvernement du Maroc
Le Ministre de l'Intérieur
Le Ministre de l'Agriculture, de la
Pêche maritime, des Eaux et Forêts et du Développement Rural
Nous avons l'honneur de vous informer
que les nomades au Maroc vivent dans des conditions critiques à cause de la
sécheresse, la pandémie et la répression systématique pratiquée par les
autorités. Ils sont empêchés de se déplacer à la recherche de pâturages et
d'eau. Du fait de ces conditions difficiles qu'ils ont vécues tout au long des
années 2019 et 2020, leurs souffrances se sont multipliées.
Lors de leur rencontre nationale
organisée le 21 septembre 2019 à Tinghir, les nomades ont étudié la loi 113.13
concernant le pâturage. Ce document était jugé incompatible avec tous les
pactes internationaux, y compris les recommandations de la FAO des Nations
Unies, concernant le droit à l'environnement et au développement rural. Ce
droit des populations d'acquérir des terres est la base de tout programme de
développement que l'État doit mettre en œuvre au monde rural.
La répression quotidiennes qui les a
touchés pendant deux années consécutives au nom de l'application illégale et
inconstitutionnelle de la loi 113.13, a eu un impact sur la vie matérielle et
morale de leurs familles, les plongeant dans des situations psychologiques profondément
troublées, en particulier concernant les femmes et les enfants, touchés par les
pratiques répressives des autorités et de la gendarmerie dans des zones
montagneuses désertes isolées du monde, en l'absence de pères nomades errant
sur les marchés à la recherche d'acheteurs de leur bétail à bas prix.
Ils sont privés de leurs droits
fondamentaux : le droit à la santé, à l'éducation et au logement, à la
sécurité, à la liberté, et à la vie au moment des accouchements. Les femmes et
les enfants, victimes de la violence des autorités, voient leurs troupeaux
exposés aux vols et à la destruction, causant d'énormes pertes matérielles en
raison de l'attaque mortelle de leur bétail par des chiens errants dans les
montagnes.
Ils ne bénéficient pas du soutien de
l'État, malgré la spectaculaire distribution de millions de tonnes d'orge
subventionnée annoncée à travers les médias. En réalité, les nomades privés de
ce soutien l'achètent avec leur argent à des prix élevés sur les marchés à des
négociants spéculateurs, dépensant l'argent qu'ils ont obtenu en vendant leur
bétail à bas prix aux commerçants sur les marchés hebdomadaires.
Tout cela, sans oublier
l’exploitation de leur sueur et leur sang par ces riches grands propriétaires
qui bénéficient des générosités de l'État. Un “soutien” destiné à leurs
stations d’emballages qui atteint de 120 à 170 millions de dirhams chacun (12 à
17 millions de dollars), sur le compte des biens publics. Cette exploitation
bénéficie aux riches propriétaires : membres de la famille royale, officiers
supérieurs de la gendarmerie, des militaires et de la police, ministres,
députés, maires des villes, PGD des grandes sociétés, les survivances de la
féodalité, investisseurs capitalistes de la bourgeoisie française, espagnole,
saoudiens, émiratis, qataris et autres profiteurs.
C'est l'exploitation des terres des
paysans pauvres sur lesquelles ils ont implanté leurs domaines agricoles,
profitant d’énormes soutiens financiers à travers le dit « Planning Maroc Vert
». Ils sont même exonérés de charges financières pour l'électricité et l'eau
d'irrigation, pour pouvoir fournir les oranges et les tomates à la bourgeoisie
européenne !
Pendant deux ans, en manipulant la
loi 113.13, le ministère de l’agriculture a occupé les terres pastorales dans
le sud et au Sahara. Les regroupements des paysans dans les montagnes de
l’Anti-Atlas et les plaines de Souss-Massa sont pillés ainsi que leurs
pâturages. Les nomades sans cesse réprimés par les autorités sont obligés de
traverser les terres des paysans, ce qui provoque des conflits entre eux,
parfois sanglants. Ces conflits sont enflammés par les représentants des partis
politiques de la majorité et leurs membres dans les communes rurales. Voilà une
autre façon de chasser les nomades et les priver de leur droit au pâturage !
Un an après la mise en place du
comité national des nomades qui n'a connu que des souffrances, deux
manifestations ont été organisées par les représentants de toutes les régions
du Maroc, le mercredi 28 octobre 2020, devant la wilaya de Souss-Massa et le Bureau
régional d’investissements agricoles à Agadir . Leur rencontre destinée à
discuter leur situation critique, a été organisée le même jour au siège de
l’Union Marocain du Travail (UMT) à Agadir, pour mettre en place un programme
de lutte pour leurs droits légitimes, après la reconstruction de leur comité
national qui s'articule autour des revendications suivantes :
1- Mettre en place un recensement des
pertes matérielles des nomades par les Ministères de l'Intérieur et de
l'Agriculture, du 20 mars 2020 à aujourd'hui, et indemniser les personnes
touchées dans les plus brefs délais, sachant que leur Comité National a
constitué un dossier de ces pertes pour les défendre par toutes les formes de
lutte légitimes.
2- Exiger la levée du siège des
nomades dans toutes les zones assiégées, les deux ministères supportant toutes
les pertes qui résulteront de l' empêchement de se déplacer vers les zones de
Dakhla et Laâyoune où le pâturage est disponible.
3- Exiger l'arrêt des autorisations
de déplacement depuis les autres régions vers les régions de Dakhla, Laayoune
et d'autres zones où des pâturages sont disponibles, afin d'éviter la mort des
troupeaux du fait de manque de nourriture et d' eau, et d'autres régions où la
saison de culture a commencé.
4- Exiger le soutien de l'Etat, la
fourniture d'orge, de médicaments et d'eau, et la surveillance du marché pour
les protéger des commerçants spéculateurs.
5- Exiger l’arrêt de la manipulation
de la loi 113.13 qui viole leurs droits naturels et historiques, en particulier
leur droit d'acquérir des terres en tant que petits investisseurs. Et la
protection de leur droit à l’accès à leurs terres pastorales que les grands
propriétaires immobiliers leur ont soutirées.
Depuis le premier novembre 2020, plus de 270 camions chargés de leurs bétails sont bloqués entre les régions de Tiznt et Boujdour
Il est à noter que ces cinq points
sont urgents et indispensables pour lever le siège sur eux avant fin octobre
2020, et ainsi ouvrir le dialogue avec leur comité national sur le dossier de
revendications globales.
Toutes ces pratiques répressives à
l'encontre des petits paysans et des professionnels forestiers et de leur
syndicat visent à faciliter l'exploitation de leurs terres et forêts par de
grands propriétaires fonciers appuyés par le Ministre de l'Intérieur et le
Ministre de l'Agriculture et des Eaux et Forêts avec le soutien des partis
politiques au pouvoir.
Vous ayant aussi présenté les points
les plus importants de notre dossier, nous vous demandons de mener une enquête
impartiale sur celui-ci afin de protéger les droits des petits paysans et des
professionnels forestiers et de leur syndicat.
Agadir le 03 novembre 2020
Secrétaire Général
Lahoucine Amal